Hervé Bohnert & Bruno Privat
Hervé Bohnert & Bruno Privat













Conversation orchestre une rencontre singulière entre le travail d’Hervé Bohnert et la photographie de Bruno Privat. Deux artistes, deux médiums, mais une même préoccupation : explorer la mémoire, le vivant, l’effacement. À cette polyphonie s’ajoute celle du spectateur, invité à se glisser dans les interstices, à ressentir l’œuvre comme un espace de passage et d’échos.
Les oeuvres d’Hervé Bohnert frappent par leur force plastique et symbolique : figures squelettiques, incarnations de la Mort, bois travaillé avec une expressivité brute, où les accidents, les creux et les strates deviennent fragments de mémoire. Bohnert s’inscrit dans la tradition des vanités et des rituels funéraires, mais y insuffle une tension particulière : une ironie douce-amère, une tendresse qui subsiste au cœur du deuil. Ses œuvres prennent la forme d’autels, de reliquaires, d’ex-voto, célébrant l’absence tout en cherchant à la conjurer.
En écho, les photographies de Bruno Privat offrent une légèreté suspendue. Réalisées au sténopé, elles imposent un regard lent, méditatif, presque cérémoniel. Un poisson vidé, suspendu dans l’obscurité, se donne à voir comme une nature morte dépouillée, vestige organique d’un monde disparu. Plus loin, des coquilles Saint-Jacques alignées forment une procession silencieuse, évoquant ex-voto ou fossiles. Les sujets semblent émerger d’un bain d’ombre et de lumière. Privat saisit ce qui demeure : la trace, l’empreinte, l’intervalle fragile entre ce qui fut et ce qui s’efface. Sa lumière, granuleuse et douce, effleure plus qu’elle ne décrit.
Conversation ne se contente pas de juxtaposer les œuvres : elle les met en dialogue. La sculpture de Bohnert, ancrée dans la chair, la perte et la survivance, entre en tension avec la lumière suspendue de Privat, qui enveloppe les sujets d’un voile de silence.
De cette confrontation naît une tension féconde. L’exposition ne propose pas de réponse univoque, mais invite à une traversée. Les œuvres deviennent le foyer d’une vibration partagée. Le spectateur, véritable quatrième voix de cette polyphonie, est appelé à habiter cet espace fragile entre présence et disparition.
Ici, la matière s’exprime, la lumière questionne, la mémoire vacille. N’est-ce pas dans cette instabilité même que se construit l’expérience sensible – celle d’un dialogue non seulement entre les œuvres, mais aussi entre les vivants et leurs fantômes ?